GEE, Unesco Culture, Annexe 2
ANNEXE N° 2 – COURRIER UNESCO DU 4 MAI 2011-05-04
ARTICLE 521-1 DU CODE PENAL - Gérard CHAROLLOIS
ARTICLE 521-1 DU CODE PENAL SUR LES COURSES DE CORRIDA et la « tradition locale ininterrompue » analysés par le Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Toulouse, Gérard CHAROLLOIS.
Code pénal (Partie Législative)
• Livre V - Des autres crimes et délits
• Titre II : Autres dispositions
• Chapitre unique : Des sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux
(Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 art. 9 Journal Officiel du 30 juillet 1994)
(Loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 art. 22 Journal Officiel du 7 janvier 1999)
(Ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal Officiel du 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)
(Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 art. 50 Journal Officiel du 10 mars 2004)
Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende.
A titre de peine complémentaire, le tribunal peut interdire la détention d'un animal, à titre définitif ou non.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
Est punie des peines prévues au premier alinéa toute création d'un nouveau gallodrome.
Est également puni des mêmes peines l'abandon d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l'exception des animaux destinés au repeuplement.
(Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 art. 9 Journal Officiel du 30 juillet 1994)
Le fait de pratiquer des expériences ou recherches scientifiques ou expérimentales sur les animaux sans se conformer aux prescriptions fixées par décret en Conseil d’État est puni des peines prévues à l’article 511-1.
Note juridique sur les « courses de taureaux » au regard de la jurisprudence :
Un récent arrêt confirmatif de la cour d’appel de Toulouse, prononcé le 20 janvier 2003, renforce une jurisprudence quasi-univoque et néanmoins tout à fait contestable d’un strict point de vue juridique.
L’article 521 du code pénal, héritier de l’article 453 de l’ancien code, incrimine et réprime le délit d’acte de cruauté envers les animaux apprivoisés ou tenus captifs. A titre d’exception, l’article prévoit un fait justificatif de l’acte de cruauté « pour les courses de taureaux lorsque existe une tradition locale ininterrompue ». Pour le législateur l’énoncé même d’un fait justificatif révèle qu’il range la corrida au nombre des actes de cruauté puisqu’une dérogation à la prohibition de ces actes a été expressément édictée à l’instigation des parlementaires des localités concernées par une pratique qui suscite de telles passions que les raisonnements des magistrats s’en trouvent un peu « altérés ».
Si pour ma part, je condamne sans réserve au nom du respect dû à toute souffrance et à tout être vivant, une activité ludique consistant à torturer jusqu’à la mort un animal, je veux ici tenter une analyse technique objective de la loi. Les tribunaux et la cour de cassation, régulatrice de la jurisprudence, doivent dire le Droit, non pas sans éthique et sans conscience, mais en faisant abstraction des convictions personnelles des magistrats. Les juridictions qui se sont prononcées jusqu’à ce jour ont manifestement fait œuvre un peu subjective et partisane de la corrida.
Ces juridictions ont été appelées à interpréter la loi et en particulier la proposition clé : « lorsque existe une tradition locale ininterrompue ». Un spectacle taurin pouvait-il être organisé en banlieue de Bordeaux (Floirac), alors que quelques décennies séparaient ce spectacle de la dernière corrida de Bordeaux ? Un club taurin peut-il légalement chercher à relancer les corridas à Toulouse, alors qu’il n’y a pas eu de tels « jeux » depuis 1976 ?
Les juges ont couvert la corrida en retenant que dans l’ensemble régional existait une tradition de tauromachie.
Leur raisonnement constitue une évidente dénaturation de la loi et de la notion « de tradition locale ininterrompue ». Il deviendrait évident, en retenant leur interprétation du texte, qu’entre Fréjus, dans le Var et Mont-de-Marsan, dans les Landes, les promoteurs de spectacles pourraient soutenir qu’existe une tradition locale ininterrompue et insusceptible de l’être dès lors qu’il suffirait de constater l’existence d’une corrida, dans une localité quelconque du tiers Sud de la France pour affirmer que la disposition légale ne peut pas jouer. La restriction perd tout sens et l’interprétation donnée par le juge toulousain retire à la prudence du législateur toute portée.
Si « local » veut dire « tiers Sud de la France », il n’y a plus à rechercher l’existence ou l’absence d’une interruption de la tradition. Il suffit que des corridas aient lieu à Nîmes pour en justifier à Toulouse ou partout ailleurs. « L’interruption » visée par la loi devient une condition impossible et la proposition « Lorsque existe une tradition locale ininterrompue » devient absurde. Le texte ne peut avoir de sens qu’en donnant à la notion de « local » sa portée littérale de « localité », d’agglomération puisqu’à défaut la prescription s’avère sans signification. Le législateur aurait écrit « les courses de taureaux sont autorisées dans le tiers Sud de la France ». Une corrida organisée à Nîmes constituerait, selon la jurisprudence ici critiquée, un témoignage de tradition ininterrompue, valable pour Agen, Toulon, Toulouse et Bordeaux. L’arrêt de la cour d’appel de Toulouse vide les termes de « local » et « d’ininterrompue » de tout sens. Il nie la portée du texte et aboutit à légaliser systématiquement la corrida partout, y compris dans des localités qui ont cessé d’en abriter depuis plusieurs dizaines d’années, ou même qui n’en ont jamais connues mais qui se situent vaguement dans le sud du pays. Or « local » n’est pas régional, surtout lorsque ladite région couvre un tiers du territoire national métropolitain. « Tradition ininterrompue » ne doit pas être méconnue. Si une activité délictueuse, considérée comme telle par le législateur lui-même, bénéficie d’un « fait justificatif », celui-ci doit être interprété conformément à la loi. Le fait justificatif n’existe que si « localement » existe une tradition « ininterrompue ». Lorsque dans une agglomération, voire un département, cesse pendant une trentaine d’années, la pratique des corridas, le juge doit en tirer les conséquences que la lettre et l’esprit du texte commandent. Faute de remplir les conditions prévues pour la constatation du fait justificatif, le délit de cruauté envers animal est caractérisé.
La présence « locale » d’amateurs de corrida relevée par le juge toulousain sans doute un peu conscient de son audace interprétative de la loi, ne saurait à elle seule réaliser la « persistance d’une tradition ininterrompue ». Il y a sans doute des amateurs de corrida à Paris, Lyon, Dijon ou Lille et le raisonnement de l’arrêt aboutirait à en déduire l’existence d’une tradition ininterrompue dans ces villes.
A terme, la cour de cassation devra bien opérer sa censure sur une jurisprudence négatrice de la loi en ce qu’elle vise à limiter les spectacles taurins, ce qu’ont voulu éviter les juges du fond au prix d’un manque de rigueur dans l’analyse du texte légal. Les juges ne pourront pas indéfiniment trancher comme si les mots de « locale » et « ininterrompue » ne figuraient pas dans le libellé de l’article 521 du code pénal. Ainsi, si nous pouvons attendre d’une évolution des mœurs et des manières une condamnation morale de la cruauté érigée en spectacle, si nous pouvons demander au législateur de modifier la loi afin de supprimer la dérogation des « courses de taureaux », nous devons demander au juge d’être impartial et rigoureux dans son raisonnement et en l’état du droit positif sanctionner la corrida lorsqu’elle se propose de s’implanter là où n’existe pas une « tradition locale ininterrompue ». En édictant « tradition locale ininterrompue », le législateur a visé le cas des localités où a existé une tradition, mais où celle-ci a été interrompue. A Toulouse la corrida a peut-être été pratiquée autrefois. Depuis une trentaine d’années cette agglomération n’a plus organisé de spectacles de cette nature. Sauf à nier les faits et les mots, les exigences légales ne sont plus réunies pour la tolérance de cette activité ludique localement. Il ne manque pas de « places » où sévit la corrida dans ce pays pour permettre aux organisateurs de spéculer sur le goût des foules pour les jeux sanglants.
Mr Gérard CHAROLLOIS, Convention Vie et Nature pour une Ecologie Radicale, FRANCBAUDIE, 24380 VEYRINES DE VERGT.
Vice-Président au Tribunal de Grande Instance de Périgueux