Témoignage : ça ne doit pas être si terrible, une corrida !
Merci à Francie pour son témoignage reçu ce jour, 30 Juin 2011 :
J'avais 20 ans l'été où j'étais en vacances en Espagne. La mer, le soleil pas cher...
A Barcelone il y avait des affiches partout : grande corrida avec 6 mises à mort (je laisse traduire).
Je ne voulais pas du tout assister à un spectacle où la mort était au programme. J'avais déjà conscience que ce n'était pas bien mais pas que cela allait m'affecter pour le reste de mes jours.
Là bas, les gens parlaient du courage légendaire des grands toréros magnificos qui affrontent des taureaux sauvages, des bêtes énormes, des bêtes furieuses ! Des El Cordobès.
Ils disaient que si on n'a pas vu une corrida on n'a rien vu de l'Espagne et on ne peut pas comprendre l'Espagne.
C'est l'image que beaucoup de gens se font de ce pays : sangria, castagnettes, flamenco et corrida !
Alors j'ai dû suivre sinon on allait me laisser seule dans la foule qui me bousculait et criait. A faire peur.
J'ai eu peur.
Nous avons eu une place dans une bousculade géante. Il y avait aussi des enfants alors je me suis dit, bon ça ne doit pas être si terrible si des enfants y vont.
C'était immense. Tout le monde assis en rond sur des gradins. Une chaleur étouffante.
En bas, du sable et l'ambiance était au délire. Un vrai tapage et des sifflets.
J'étais déjà abasourdie par la foule. Comme si la Terre tombait sur ma tête !
Fanfares, tours de piste et soudain : un taureau ! Il fonce depuis la porte comme s'il avait vu le diable.
Je pensais qu'il écumait de rage, c'est ce que je croyais.
J'ai pensé que les taureaux ne sont pas féroces et pas dangereux car j'en avais ai déjà vu à la campagne chez moi : tranquilles, passifs dans leur pré.
On nous disait juste étant enfants qu'il ne faut pas courir devant eux.
Donc je me suis dit que les taureaux espagnols étaient différents et vraiment méchants. A 20 ans dans les années 70 ! Nous étions bien naïfs à cette époque où la violence n'était pas aussi répandue que de nos jours.
De notre place nous avons vu suffisamment pour voir le sang couler sur la bête. Et chaque fois qu'elle recevait un coup de pique, la foule hurlait comme des enragés. Une clameur qui me donnait des malaises.
J'avais envie de partir.
Je me suis levée mais les gens m'ont intimidée, crié dessus, voulant me frapper : je gâchais leur spectacle
mais moi je ne pensais pas à ça : je voulais partir partir partir. Et ça criait olé ! olé ! Toros toros !
Puis j'ai vu : le sang sortait par la bouche, le taureau était encore piqué, se traînait, le sable était rouge. Il a reçu un coup de poignard qui a duré un moment : à ce moment là, la foule était hystérique, on peut dire ça. J'avais des étourdissements tout en étant assise. Je me demandais si c'était réel.
Juste après, je vois le toréro couper les oreilles du taureau et les lancer dans les gradins.
Après j'ai détourné mon regard, j'avais envie de vomir.. Mais je n'y arrivais pas.
Les gens jetaient des pièces par poignées dans l'arène, jetaient leurs chapeaux... Ils étaient heureux enfin ils étaient, d'après moi, pris de folie. J'ai pensé que ce n'est pas une fête. Si c'est ça qu'il faut avoir vu pour connaître l'Espagne, je n'ai jamais tant regretté d'être allée là bas.
Quand j'ai vu qu'on a attaché cette pauvre bête et que des chevaux l'ont tirée avec des cordes pour sortir
de l'arène, j'ai réalisé : une corrida c'est vraiment une fête de la mort. La mort est normale en Espagne.
J'entendais aussi des gens crier : "viva la muerte" !!
Puis il y a eu les 5 autres... Le spectacle était toujours le même : souffrir, souffrir pour mourir...
Mais à un moment donné, il y avait un grand silence. Il se passait quelque chose dans l'arène, le taureau ne "voulait" pas mourir, il était debout, faible et en sang et refusait de courir. Les picadors et le toréro parlaient et ils l'ont fait se relever pour le mettre à genoux... Quelle horreur !!!
J'ai trouvé ça immonde, inqualifiable, révoltant.
Je ne peux en dire davantage car aujourd'hui encore j'en suis malade et j'ai tellement honte d'avoir vu ça, de n'avoir pas eu le courage d'affronter la horde des gens pour sortir de là et laisser mes amis. C'est un souvenir terrible que je n'aime pas rappeler. J'ai été complice de l'assassinat de 6 taureaux. Ils ont pris des photos et jubilaient ! Ils ont acheté des affiches de cette corrida.
Je pense que personne n'a compris mon attitude "anormale".
Je n'ai pas pu en parler car j'étais la seule à n'avoir pas apprécié. Je n'ai pas pu manger le soir mais je me souviens que j'ai bu beaucoup de sangria pour oublier cette vision de cauchemar.
Et ces spectacles continuent encore et encore...
Je sais qu'un taureau souffre comme tout autre animal et j'ai compris qu'on ne peut pas l'entendre mugir, hurler car la foule couvre sa voix et accompagne les mouvements des tueurs.
Je préfère m'arrêter là. Faites ce que vous voulez de mon témoignage, il restera sur ma conscience comme un poids lourd même si ce n'est pas moi qui voulaits tuer. Je me sens très mal maintenant et je garderai toujours les séquelles de cette "fiesta".
Je ne suis plus jamais retournée en Espagne et n'y retournerai jamais.
Francie